Bob et moi nous parlions de temps en temps jusqu’à ce qu’il soit transféré au centre de soins palliatifs de Saint-Jérôme. Je trouvais bizarre qu’il se retrouve si près de chez moi. Mais ce n’était pas le cas, sa fille Sophie-Ann vivait aussi à 10 minutes d’ici. Toutes les choses ne sont pas bizarres, des coïncidences ou de la magie mystique inexplicable. Et d’une manière étrange, le fait d’avoir un peu de normalité dans ma vie de chasseur de rêves a apporté une sorte de rationalité à toute cette expérience. À la fin de ma visite à l’unité de soins intensifs, sa fille Sophie-Ann et son ex-femme, Nicole, sont passées. Sa fille était infirmière en chef de traumatologie à l’hôpital où il séjournait. Elle savait que Bob et moi nous parlions mais n’avait aucune idée de la façon dont je suis revenu dans le tableau.
Je me suis gratté la tête en me demandant comment je devais m’y prendre pour dire tout ce qui s’était passé ? Je n’ai jamais été un chasseur de rêves, en tout cas pas de ce genre ! Je veux dire, qui fait ça ? Personne dans mon entourage. Mais je ne pouvais pas laisser tomber, tu sais ? Je lui ai expliqué, ainsi qu’à sa mère Nicole.
“Oui, mais tu as toujours été bizarre comme ça !” Bob a gloussé.
Je me suis tournée vers lui : ” J’ai eu des prémonitions, je me réveille toujours au milieu de la nuit et je dois le plus souvent noter des choses “, ai-je justifié.
Bob a rigolé. “J’avais oublié ça. Oui, je me retournais et je la voyais se tenir droite comme si elle était sur une chaise, endormie et en train d’écrire.”
Sophie-Ann a souri : “Tu as toujours été un peu bizarre comme ça. Mais dans le bon sens du terme.” On a rigolé. Elle n’avait aucun problème à croire en ce que je lui disais. Elle m’a dit qu’elle avait aussi un côté un peu bizarre. Elle a entendu des choses. Des choses qui n’étaient pas là, des choses que personne d’autre n’a entendues. J’étais curieux et je l’ai vivement poussée à donner un exemple.
“Je faisais une double vacation à l’hôpital et je devais travailler tôt le lendemain matin ; j’ai donc décidé de dormir dans mon unité. Ils ont des endroits où dormir. J’ai dormi dans une des chambres, loin de toute l’agitation. Au milieu de la nuit, j’ai été réveillé par des cris et des pleurs d’enfants, mais j’étais trop épuisé pour me lever. Le lendemain matin, j’ai demandé aux infirmières ce qui s’était passé. Où étaient les enfants ? L’infirmière a dit que c’était la nuit la plus calme qu’ils aient eue depuis longtemps. Pas de cris, pas de pleurs et pas d’enfants. Puis elle m’a demandé où je dormais.
“Oh, c’était la pièce où se trouvaient les patients en phase terminale.”
Sophie-Ann m’a regardée : “Inutile de dire que je n’ai plus dormi dans cette chambre.”
Nous étions sur la même longueur d’onde. Nous savions qu’il y avait quelque chose de plus après notre mort. Nous savions aussi qu’il y avait des choses que nous ne pouvions pas expliquer… nous les prenions simplement comme faisant partie de la norme, de nos vies respectives.
Les semaines suivantes ont été marquées par des discussions sur la mort, le temps dont nous disposons avant de mourir, la façon dont la mort peut survenir si soudainement pour certains et un lent et long déclin pour d’autres. Tout ce rêve de Bob a infiltré beaucoup de mes nuits et donc de mes jours. Je suis certain que mon esprit, mon âme voulait que je fasse quelque chose, mais je ne savais pas quoi. Je parle de mon âme comme s’il s’agissait d’une entité distincte qui ne fait pas partie de moi. Il fait partie de moi, mais en même temps, je le ressens rarement. Je veux dire, qui ressent son âme, ce n’est pas comme une émotion. Mais c’est comme notre conscience, cette petite voix qui nous dit ce qui est bien ou mal. Ce que je crois être votre moi supérieur. Je crois que mon âme, mon moi supérieur veut que certaines choses soient faites. Je devais juste être ouvert et écouter. J’ai écouté. J’ai entendu davantage, non pas des voix comme celles de Sophie-Ann, mais j’ai compris ou reçu les messages davantage depuis que je me suis remise à méditer. Ce qui m’a surpris, c’est que je ne méditais pas beaucoup. Peut-être une demi-heure par jour. C’est ça ! J’étais loin de me douter que cette habitude allait m’amener à un tout autre endroit !
Je crois que nous avons la capacité d’accéder à différentes “longueurs d’onde ou différents domaines”, dont le domaine des rêves. J’ai toujours cru que lorsqu’il fait nuit et que la plupart des gens dorment et sont dans le même état de somnolence que vous, le cerveau de chacun ralentit, se ferme. Laissant ainsi à l'”air” le temps de se reposer de la négativité, des soucis, des angoisses. Là, dans notre sommeil, nous tombons dans le Delta, où nos ondes cérébrales peuvent puiser dans quelque chose, ou un quelque part qui est meilleur, plus élevé, plus bénéfique, infiniment bon.
La façon dont nous recevons et interprétons ce que nous captons est tout à fait unique à chaque individu. Je n’entends pas les choses comme Sophie-Ann, je vois les choses de manière à résoudre les problèmes et je fais de l’écriture automatique. Ce qui, à ce jour, me fascine toujours. C’est toujours aussi fou de voir comment je peux écrire sans savoir ce que j’écris et penser à ce moment précis : “Bon sang, je n’arrive pas à croire que je fais ça”, tout en écrivant et en étant étonné de ce que j’écris. C’est toujours le cas pour moi, c’est époustouflant.
La nuit dernière était une autre de ces nuits. Il y a longtemps que Desmond avait renoncé à me persuader de rester au lit et de me rendormir. Il sait que ça ne marche pas. Dieu sait que j’ai essayé et croyez-moi, je me suis forcée à rester dans mon lit, mais il est toujours impossible de dormir si quelque chose doit être écrit. Ce n’est pas comme si j’étais possédée. Ce n’est pas comme ça. Laissez-moi vous donner un aperçu de ce qui se passe dans ma tête.
Je suis dans un profond sommeil et comme Desmond peut vous le dire, en une seconde, je suis complètement réveillé et je ne sais pas pourquoi. Alors que j’essaie de me rendormir, mon cerveau se met en marche.
“Il faut que j’écrive ça. Oh mon Dieu, c’est une phrase, une expression, une idée fantastique. Non, rendors-toi, ne t’inquiète pas, si c’est important, tu t’en souviendras à ton réveil. Non, je ne m’en souviendrai pas ! Si, je m’en souviendrai. Puis je répéterai le mot comme un indice sans fin. Ou, si je veux vraiment me rendormir, je l’enregistre sur mon iphone ou je m’envoie un message. Mais parfois, la plupart du temps, mon cerveau part en vrille et ne me laisse pas penser à autre chose. Même si j’essaie de méditer pour me rendormir, ça ne marche pas. Alors, je me dis silencieusement “BIEN !”, je me lève, je prends le cahier et le stylo sur ma table de nuit, je me dirige vers le salon ou la cuisine, je m’assois et puis… deux heures plus tard, les yeux encore à moitié fermés et dans un état de demi-sommeil… Je rampe dans le lit. Pour être réveillé une heure plus tard par les bruits chaotiques du matin.
J’aimerais qu’il fasse nuit et que je sois encore endormi au lieu d’être éveillé. Je rapproche mes couvertures de mon corps, en espérant que la chaleur me bercera. Le moulin à café démarre, puis le mixeur vitamart siffle. Desmond prépare mon smoothie et mon café. Quel homme merveilleux… mais maintenant je dois me lever.
Desmond sait que j’ai écrit. Il peut le dire, je ressemble à une merde et je ne suis pas habillé. Mon lit n’est certainement pas fait. Je me traîne jusqu’à la cuisine et fais le tour de l’îlot, je prends mon smoothie, j’embrasse Desmond pour lui dire bonjour, je fais un câlin à ma mère et je m’assieds.
“Bébé, avant de commencer, laisse-moi juste prendre mon café !” Desmond a exigé. Je hoche la tête et j’acquiesce à sa demande. “Pauvre lui, il n’a aucune idée de ce qui l’attend.”